dark thoughts
des couloirs qui n'en finissent pas. et cette odeur qui prend au nez. un père qui s'élance dans ces couloirs mortuaires. ses petites jambes qui luttent pour tenter de le suivre. autour de lui les agents médicaux semblent médusés. quelques regards de pitié se détachent. il ne comprend pas. il ne veut pas comprendre. c'était un joli matin pourtant. une balade au zoo. des étoiles dans ses yeux quand pour la première fois il voit un lion. bête majestueuse à la crinière indomptée. c'était beau. c'était que lui et son père. souvenirs magiques tellement rares. pourtant les images s'en vont d'elles-mêmes. elles n'arrivent à trouver leur place devant cette course folle. tout s'enfuit avant que son esprit ne puisse tous les capturer. la chambre n'est qu'à quelques mètres. pousser doucement la porte avant que l'horreur ne le frappe. elle n'est déjà plus. une silhouette pourtant si familière mais qui le fige sur place. elle n'est déjà plus là. les lueurs dans ses yeux sont parties. elle n'est plus la femme qu'il a connue, la mère qu'elle a été. saleté de chauffards. saleté d'alcool. gamin perdu qui découvre que la vie peut être cruelle, injuste. des années à tenter d'oublier cette image. de ce corps sans vie qui jamais plus n'aura les sourires tendres qu'elle lui adressait, les bras affectueux dont elle l'entourait si souvent. brutalité qui le fait entrer dans le monde des adultes. dans cet univers qu'il n'a jamais aimé. comme elle lui manque. comme la douleur de la perdre a étreint son coeur. il a peur d'oublier son rire. son visage, ses traits. toutes les choses qui faisait d'elle la personne qu'il préférait au monde. mais c'est fini. elle n'est plus là. seules les larmes coulent sur ses joues d'enfant.

carry you home
elle est belle leïla. jeune fleur aux doux pétales. elle le fait rire. et ça le remplit de joie. elle est cette gamine simple aux tendres sourires. muse qui peu à peu prend de la place dans son coeur. bien plus qu'il ne l'aurait cru. elle devient cette voix qui lui murmure des mélodies la nuit. cette nymphe musicale qui lui susurre mille mots à chaque création. elle est la seule qui sait réellement, la seule pour qui il joue tous les soirs. une histoire digne des plus belles romances. pourtant la tragédie est restée au placard. des posts-it sur les murs qui témoignent chaque jour de leur amour véritable. elle est celle qu'il avait attendue. il pourrait refaire le monde quand elle est dans ses bras. elle l'apaise. parfois il se pense trop bien pour elle. il se demande comment une telle femme peut être avec lui. elle est cette énigme qu'il aime déchiffrer chaque jour. ses baisers sucrés sont des baumes à chacune de ses blessures. avec elle, la souffrance disparaît. seul l'avenir radieux se dessine. parfois, quand elle le rejoint dans ses insomnies, il lui parle de ses rêves. de cette envie de faire de la musique pour toujours. elle l'a toujours poussé. elle l'a toujours soutenu malgré ses jobs bancals, malgré tous ces soirs à jouer dans des bars pour tenter de vivre un peu de ça. leïla, elle le poussait toujours un peu plus loin. et pis, elle était tellement passionnée. qu'il pouvait l'écouter pendant des heures. de tous les sujets, mais surtout des fleurs. de ces beautés de la nature dont elle n'avait rien à jalouser. ils étaient l'épaule de l'autre, la proue à laquelle se raccrocher. les tragédies n'avaient pas de prise sur eux. elle glissait sans jamais ne s'attarder. parce qu'ils étaient beaucoup trop solides pour elle. parce que leïla était son phare dans la nuit. cette muse qui l'inspirait bien plus que de raison. elle ne savait pas que c'était ce qui allait les perdre.

goodbye my lover
il a été repéré. jamais dans ses rêves les plus fous il n'y aurait pensé. pourtant, il y a eu cet homme. ce messager de la chance. il était venu à l'un de leurs concerts, à écouter réellement. c'était bien le premier. et ça a du lui plaire. parce qu'il n'aurait pas proposer à white roses de se produire en plus grand. de laisser ses rêves de petites villes pour d'autres. il peinait à le croire. parce que c'était tout simplement fou. des opportunités comme celles-ci ça n'arrivait qu'une fois dans une vie - parfois même pas. alors comment refuser ? comment dire non au rêve de toute sa vie ? mais il y avait leïla, son père. quitter toute cette ville serait compliqué, difficile. c'était pourtant nécessaire. pine creek était bien trop petite pour ses ambitions. la relation avec son paternel avait toujours été en dent de scie. un père qui ne comprenait pas sa passion de la musique, un père qui l'aimait mais maladroitement. les mots n'étaient jamais dits entre eux. surement par pudeur, par maladresse. il le croyait fou, totalement insensé de se lancer dans une telle aventure. et si ça ne marchait pas ? et si ce type était un charlatan ? il ne voulait pas l'écouter. parce qu'il sentait que c'était le bon, parce qu'il sentait que c'était pour lui cette fois. alors il claque une première fois la porte. mais il y avait toujours elle. leïla. cette femme pour qui il pourrait se damner aisément. celle qui avait été son ange. une relation à distance ? aimer à moitié, aimer à des kilomètres. une chose dont il ne se sentait pas capable. pas capable de l'enchainer à un fantôme, pas capable de la laisser aimer une absence. elle méritait mieux. elle méritait un amour présentiel. et peut-être qu'au fond il savait que ça se terminerait ainsi. qu'elle serait toujours trop bien pour lui. qu'il ne supporterait pas de la perdre. c'était plus simple de la quitter ainsi. un mal pour un bien. quitte à briser son propre coeur, quitte à fendre son âme en deux. c'était pas grave, il pouvait vivre avec ça. elle, elle méritait mieux. alors son sac fut fait au petit matin. elle dormait encore. un I'm sorry apposé sur le frigidaire. un dernier baiser sur ses lèvres. et il était parti dans les premières lueurs du jour.

sad song
le coeur en miettes alors que le succès monte. des mois à tenter de l'oublier, à tenter de passer à autre chose. la musique aide. mais quand tout ce qu'il sort n'est dédié qu'à la seule et même personne, le myocarde en prend un coup. et il y a tous ces appels. des suppliques pour des explications. quelques mots pour tenter de comprendre. il n'y répondra jamais. il n'avait pas le courage d'entendre sa voix, de la confronter. parce que surement qu'il serait rentré à cause de ça. surement qu'il aurait pu tout abandonner pour elle. son dernier message, il tourne en boucle dans son téléphone. vieux mobile qui a fait son temps. pourtant il n'arrive à s'en défaire malgré la rupture, malgré les années, malgré tout en fait. leïla reste là, dans un creux de son coeur sans que jamais elle ne part. il l'a dans la peau, dans les veines. un amour qui jamais ne partira. alors il tente de vivre avec. de transformer toutes cette souffrance dans ces chansons. muse éternelle qui lui susurre toujours des mélodies. elle reste sa plus grande inspiration. les coucheries n'arriveront jamais à lui faire oublier complètement. malgré les filles, malgré ce qu'elles espéreraient de lui. il ne donne jamais rien. son fantôme qui le hante encore trop. parfois il y a cet espoir, ce maigre espoir, de la voir dans la foule, de la voir lui sourire comme elle le faisait si souvent dans ces bars où ils se produisaient. mais toujours se confronte-t-il à son absence. il l'a bien cherché. les années passent. le fantôme de ses songes reste. elle doit avoir refait sa vie, trouver quelqu'un de meilleur que lui. il ne lui en voudrait pas. elle doit être heureuse - c'est tout ce qu'il demande. le succès est au rendez-vous. il devient cette icône sans même s'en rendre compte. le goût du succès est un peu amer quand la solitude frappe à la porte chaque soir. les rêves ne sont que beaux quand ils sont partagés. il plonge un peu plus. dans cette funeste chanson qu'est sa vie. la tragédie le rattrape un peu trop. il fume beaucoup, sort parfois trop. mais il assure toujours sur scène. alors on ne lui dit rien. tant que l'argent rentre. ironie d'un business sans pitié.

finally home
et puis il y a cette annonce à la télévision. un poste qu'il a allumé par réflexe, alors qu'il doit se préparer pour un énième concert - il ne compte réellement plus. seulement un nom capte son attention. comme une réminiscence d'outre tombe. une connaissance de son ancienne vie, celle qu'il a tant repoussée jusqu'alors. le coup au coeur est brutal, sans merci. son ancien meilleur ami vient de mourir. son esprit s'embrouille. les détails il ne veut pas les connaître. l'image de son visage s'imprime dans sa rétine. mort. bordel. il n'hésite pas une seconde à prendre sa veste, le sac qu'on lui avait préparé la veille pour prendre le premier avion. qu'importe ce qu'on lui dit. qu'importe comment on tente de le faire rester. il s'en fiche. il se contrefout de passer pour un égoïste, pour un lâche. les images passent en boucle dans son esprit, il n'arrive à s'en détacher. la réalité devient cauchemar. pourtant il aurait du s'en douter. la vie continuait à pine creek sans lui. le monde n'avait cessé de tourner depuis qu'il était parti. et son meilleur ami était mort. la mâchoire qui se contracte et les yeux qui se ferment pour tenter de se réveiller enfin. d'échapper à ce nouveau cauchemar. les images de son enfance reviennent. la souffrance revient. celle qu'il avait pensé endormie après tant d'années. mais elle est encore là, tapie dans l'ombre pour ressurgir au pire moment. comme lorsque sa mère est décédée. il doit revenir, il doit être présent. il n'y arrive plus. c'est l'électrochoc. l'avion finit par atterrir non loin de sa ville natale. qu'est-ce qu'il vient de faire. il ne réfléchit plus, ne pense plus. il fonce tête baissée dans la gueule du loup sans réellement y penser. parce que tout ce qui l'importe, c'est de dire un dernier adieu, être présent pour ce mec qui l'a tant été pour lui. cet ami oublié sur la route mais qui n'a jamais cessé de l'être malgré tout. il ne pense pas à l'acôté, à tout ce qui pourrait l'atteindre en rentrant. à ce père déçu. à cette femme qu'il a tant aimé mais dont il a brisé le coeur des années auparavant. il n'y pense pas. c'est sans doute ça le soucis. il ne pense qu'à lui. sans savoir qu'une gamine qui porte la moitié de ses gênes se trimballe. sans savoir que toute la ville sait pour sa fille. sauf lui. chute de plusieurs étages assurée.

en vrac
a toujours sa première guitare qu'il emporte partout avec lui, cadeau de sa défunte mère ― déteste les céréales avec le lait donc les mange sans à la main directement ― a pas mal d'insomnies qu'il tente de mettre à profit de sa musique ― a un paquet de lettres dans un coin de placard où il a rangé toutes celles qu'il n'a pas eue le courage de lui envoyer ― va courir tous les matins pour se vider la tête un tant soit peu ― a toujours le même rituel avant d'entrer en scène pour gérer son stress encore présent malgré les années ― a toujours ce petit carnet sur lui pour noter des idées, des impressions pour nourrir ses propres textes ― a toujours voulu un chien mais n'a pas un train de vie compatible, y pense maintenant qu'il semble posé mais pour combien de temps ― sait aussi jouer du piano ― écoute du classique pour tenter de s'endormir ― a la capacité de s'endormir n'importe où, sur n'importe quelle surface, pratique en tournée surtout dans ses débuts ― fume beaucoup trop pour sa santé ― ne sait absolument pas cuire un œuf et à peine des pâtes, beaucoup trop addict à la malbouffe ― est un peu trop collé à son téléphone, ou du moins sur les réseaux sociaux ― déteste répondre au téléphone, syndrome de toute sa génération ― a le vertige même sur une petite table ridicule, ce qui représente parfois un sacré défi dans certaines performances ― n'est pas forcément très pratiquant mais est protestant et sa foi a une place particulière dans sa vie ― a un tatouage à un endroit inavouable, résultat d'une beuverie après concert un peu trop prononcée ― très mauvais joueur quand il s'y met ― se déplace rarement sans une casquette et des lunettes pour passer incognito ou presque ― regarde très peu les tabloïds même quand il y apparait pour un énième potin sur une fille avec qui il sort ou que savait-il encore ― a gardé son ancien téléphone juste pour écouter son dernier message à elle.