ils partent avec les meubles, les tapis, les vêtements, tout.
il ne reste bientôt plus rien.
ryan ne peut rien faire. tout ça, ça ne lui appartient plus désormais. seulement ce qu'il porte, à l'évidence, son passeport britannique et le billet d'avion que lui a gentiment payé son petit frère pour qu'il puisse le rejoindre dans la campagne de la côte ouest. voilà où il en est, à devoir accepter la charité de son petit frère parce qu'il n'a plus rien.
rien.
c'est dur de l'admettre. son appartement avait une vue directe sur l'empire state building. il était grand. il était parfait. il était à lui. ce n'est plus à lui. il regarde une dernière fois la vue avant de partir, il a donné les clés, il a tout donné. ou rendu, selon les points de vu. c'est bizarre de se dire qu'hier encore, il avait tout et que maintenant, il n'a plus rien. il n'a même pas de quoi se payer le taxi... c'est en métro, puis en train, qu'il rejoint l'aéroport. il n'est pas en retard, il ne manquerait plus que ça. habitué à ne plus compter, ça faisait longtemps que ryan n'avait pas dû se fier au millimètre près à ce qu'on lui dit. il est là, prêt à embarquer, en classe éco, évidemment, avec un sac seulement. son téléphone portable, qu'il a gardé, quand même. et voilà. il voyage léger. trop léger. ses fringues puent encore le fric, mais comme c'est la seule chose qu'il possède encore, on peut dire que ce n'est qu'une vitrine. il en est réduit à ça, ryan meadows, le créateur de cette application que tout le monde a eu un jour dans son téléphone. c'est terminé ça d'ailleurs. elle a été fermée, par la justice. sans doute plus raisonnable. il n'en sait rien. ça a fait du mal à des personnes... mais il ne veut plus y penser. il n'y pense déjà plus. ou il sait bien se mentir à lui-même. au choix.
hier, il a profité de sa dernière soirée dans son appartement de luxe pour terminer la bouteille du whisky qui lui avait coûté des milliers de dollars. la gueule de bois est intense mais il peut encore la cacher avec ses lunettes de soleil, hors de prix, qu'il a réussi a sauvé dans tout ce bordel.
il n'a jamais été aussi proche de son voisin dans un avion. enfin si... il y a longtemps, mais il ne s'en souvient pas. il en vient à prier pour que l'engin s'écrase quelque part entre new-york et los angeles mais ça n'arrive pas. il dort, pendant une grande partie du trajet, et c'est la même chose dans le train qui le ramène au plus proche de son frère qui l'attend, en gare. t'as une sale gueule. c'est la première chose qu'il lui dit avant de le prendre dans ses bras. pourquoi ? il ne mérite pas. peu importe, son petit frère lui ouvre ses bras, sa maison, sa famille, alors que ça fait des années qu'il n'a plus été un modèle de présence pour les siens. ça fait d'ailleurs des années qu'il n'a pas parlé à ses parents, même par téléphone. il avait les moyens pourtant, de s'envoler pour l'angleterre. il ne l'a pas fait. pas une seule fois en cinq ans. minable. il monte dans la voiture après les retrouvailles, et ne dit rien jusqu'à la maison, sa nouvelle maison. ce n'est pas sa maison d'ailleurs, c'est celle d'elias, et de sa femme, amanda.
voilà qui doit rendre fier ses parents.
un garçon qui est propriétaire de sa maison, et qui a mis au monde un enfant. elle est là d'ailleurs, la petite olivia, sa nièce. il ne l'avait jamais vu. comme sa belle-soeur d'ailleurs. il se demande encore comment il est possible que cette femme ait accepté de lui ouvrir la porte de chez eux. ryan, je te présente amanda, ma femme et olivia, ma fille. ryan les regarde, tour à tour, il ne sait pas trop où se mettre, il ne sait même pas quoi dire. enchanté. dit-il d'une voix trainante, à l'accent toujours présent, comme celui de son frère. la petite est trop jeune pour comprendre, sans doute, mais la jeune femme ne se méprend pas. il est bel et bien ce qu'il semble être : une loque. ryan, mon frère. que présente encore elias en frappant dans son dos, comme un vieil ami. ryan n'est pas à sa place ici. il n'est plus à sa place nulle part.
et le pire dans tout ça ? c'est probablement que la première chose qu'il repère, c'est l'endroit où ils ont entreposé les bouteilles. une réserve qui fera du bien à son esprit, pour faire disparaitre toutes les voix qui lui rappellent à quel point il a tout raté. tout.

ryan est actuellement fauché, et sans emploi. il profite de l'argent de son frère pour se rendre quotidiennement en centre ville pour boire du matin jusqu'au soir. ryan ne fait que se mentir et mentir à son petit frère au sujet de son addiction à l'alcool. sa belle-soeur, elle, n'est pas dupe. il ne bosse pas, n'a plus d'ambition, et peine à avoir envie de vivre même. tout est lourd sur ses épaules. la dépression tente de s'installer près de lui pour devenir sa prochaine grande amie, il ne lutte pas assez pour lui résister.  
affaire à suivre...